Il s'en va et il revient

Celui qui se faisait surnommer Sylvanus pour quelque obscure raison, venait enfin de rentrer à la maison après deux longues lunes loin de sa communauté d’adoption et des gens qu’il aimait.
Il était couvert de poussière grisâtre, affichait une fatigue certaine mais semblait monté sur un nuage. Il passa en trombe devant Hubert2 en le saluant à peine et se précipita vers l’infirmerie en abandonnant son sac devant la porte de l’intendance.

Il était parti le dos chargé de cette même lourde besace à peine deux lunes plus tôt. Il devait avoir eu un mal de chien à la remplir tellement elle semblait gorgée de rations de voyage, de flasques d’eau potable ou de matériel de survie. En effet, il avait vidé ses quelques biens pour y mettre un maximum de vivres. Ne parvenant pas à tout ranger, il avait regardé comme un expert curieux sa vieille bouteille de Pijote, cuvée spéciale Jean Lou, qu’il trimballait avec lui depuis Rome et qui ne voulait vraisemblablement plus faire partie du voyage. Son petit air nostalgique avait bientôt été remplacé par un franc sourire résolu lorsqu’il vida la bouteille d’un trait sous les yeux médusés de Firecred. Fier de lui, il avait tendu le flacon sommairement vidangé à son ami et avait enfin pu fermer son sac. Il était déjà titubant lorsqu’il franchit la porte de Santa Frost en chantant « love is all ». Malgré son ébriété avancée (c’était facile, ce n’était pas un gros buveur le Sylvanus ; la moindre goutte d’alcool et il était fait), il s’était dirigé résolument plein ouest.

Il avait croisé plusieurs nomades et les vestiges de plusieurs campements abandonnés mais ne s’était pas attardé. Dopé par la Pijote, il avait continué à chanter à tue tête les paillardes d’Eric ou les improvisations que lui avaient inspirées le paysage. Il avait marché d’un pas particulièrement vigoureux et il était plus qu’exténué lorsqu’il avait jeté son paquetage à ses pieds pour se reposer et observer l’horizon.
C’était bizarre… Il avait été vite dégrisé !… Bon sang !! Ce campement qu’il avait croisé à peine à 50km de Santa Frost !
Il s’était senti le pire des abrutis et s’était effondré en tenant sa connerie entre ses deux mains tremblantes.
Cela fait réfléchir de se retrouver tout seul dans le désert à six lieues de toute vie humaine. Sylvanus avait eu le temps de réfléchir… Il n’avait écouté que son cœur et il s’était élancé, comme le gamin qu’il était, au milieu des dunes. Celui que l’on appelait le « sage Sylvanus » s’était retrouvé là, comme un animal indésirable que l’on a abandonné et qui ne sait plus où aller.
Tout penaud, il avait contacté Santa Frost pour avoir les informations qu’il redoutait. Il s’était mis à courir après lui-même, après ses rêves, après une ombre… Il était parfaitement parvenu à trouver ce qu’il avait cherché malgré lui. Il avait affronté pour la première fois la solitude.
Tout le monde savait cela, Sylvanus l’écologiste aimait la solitude ; rien ne pourrait le rapprocher plus de l’état de nature. Pourtant, cette fois-ci, rien… Il avait senti le poids de l’absence… Il avait eu beau lancer son regard vers les étoiles, aucune d’entre-elles ne lui avait répondu… Il était seul, perdu, peut-être même oublié ; un étranger dans l’infini de lui-même et du monde.
Il n’avait eu qu’une chose à faire : emballer ses affaires et repartir d’où il été venu sans avoir retrouvé ce qui lui manquait…
Le voyage vers le retour avait commencé et ne promettait que plus de morosité et de solitude. Pourtant, une petite voix était venue lui parler : j'ai décidée de t'attendre à SantaFrost, je n'ai plus envie de partir du coup... tu vas revenir...? tu m'en veux....? tu fais attention à toi ....?

Balayée la morosité, balayée la solitude !!! Sylvanus rentrait à Santa Frost et il n’était plus seul.